Assainir la casbah
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l'opération Epuration et Rééducation est lancée dans la Casbah. Amar Ouzegane, l'un des théoriciens de l'équipe dirigeante du F.L.N., en expose les motivations et les objectifs devant un certain nombre de responsables réunis à son quartier général, le café de la Marsa, près de la place du Gouvernement.
«Ceux dont nous devons nous occuper, explique l'ancien secrétaire général du P.C.A., sont des déclassés qui cirent les chaussures ou vendent des journaux à l'âge où les petits Européens vont à l'école ou au lycée, travailleurs sous-payés ou chômeurs victimes des discriminations raciales et sociales du système colonial, livreurs, portefaix, laveurs de voitures, petits marchands qui ont souvent rêvé de s'élever au-dessus de leur condition en devenant des vedettes du sport ou de la chanson et qui, déçus de ne pouvoir y parvenir, ont glissé sur la mauvaise pente et sont devenus des débauchés, des ivrognes, des drogués, des proxénètes, des voyous. Seuls les plus endurcis et les chefs de bande doivent être éliminés par la violence. Les autres sont récupérables, ne serait-ce que parce que leur attitude est une forme détournée mais sincère de la révolte contre l'oppression et l'injustice de la société coloniale arabophobe. Il faut leur parler, les convaincre, leur montrer le caractère exaltant de notre lutte pour l'indépendance et la libération, les inviter à combattre les fléaux sociaux qui frappent notre peuple et qui sont des produits du colonialisme, leur dire qu'ils seront bénéficiaires de la victoire de l'Algérie combattante. Bref, il faut faire d'eux, progressivement, des militants.

La pédagogie préconisée par Ouzegane est effectivement appliquée, et avec rudesse quand la persuasion ne suffit pas. Le F.L.N. rappelle les mots d'ordre nationaux qu'il a lancés dès le début de 1955 et signifie à la population qu'il entend plus que jamais faire respecter les interdictions qu'il a formulées au nom du patriotisme algérien et du puritanisme islamique : ne pas boire d'alcool, ne pas fumer, ne pas se droguer, ne pas jouer aux jeux d'argent et ne pas fréquenter les maisons closes.
La lutte contre les fumeurs, qui s'était quelque peu ralentie depuis les attentats du 12 décembre 1955 contre les cinémas Olympia et Donyalad et  leur clientèle algérienne débauchée reprend de plus belle. Des chasses aux ivrognes et aux rabatteurs de filles travaillant pour le compte des maquereaux sont organisées dans les cafés .

L'O.P.A. du F.L.N. met fin également, assez vite, au trafic des stupéfiants en frappant, en même temps que les amateurs de paradis artificiels embrumés des fumées du haschisch, les gros fournisseurs de drogue qui alimentaient la Casbah. Yacef Saadi, qui a été autrefois en contact avec le milieu, et Ali la Pointe n'ont pas trop de mal, d'autre part, à limiter considérablement les jeux d'argent, grâce aux descentes de leurs groupes de choc dans les tripots.
Quelques punitions corporelles et quelques avertissements bien sentis donnés aux trafiquants et intermédiaires suffisent enfin pour la liquidation de la vente à bas prix de produits de contrebande tels que les tissus anglais, les soieries japonaises ou les montres suisses.
Certains mauvais garçons, dont la psychologie se transforme en même temps que l'allure extérieure, changent de nom et prennent du service dans les commandos de Yacef Saadi. Libérées de leurs anciens protecteurs,  certaines demoiselles de petite vertu modifient leur vie plus profondément encore et deviennent des militantes propagandistes F.L.N. exemplaires, qui en rajoutent même dans la pruderie et l'austérité moralisatrice.

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